Sellières a une église sans clocher et un clocher sans église
Le beffroi a une histoire insolite. Avant que la Cité ne devienne paroisse (1585), le bourg-dessus relève de l’église de Toulouse-le-Château et le bourg-dessous de l’église de Vers. Depuis le bas Moyen-Age, les offices religieux ont lieu dans la chapelle Notre-Dame démolie vers 1780 à l’exception de son clocher. Couvert d’une toiture comtoise, il témoigne toujours du grand projet de reconstruction ajourné par la Révolution Française.
Vers 1790, la chapelle des Cordeliers se substitue à l’église paroissiale. L’un de ses murs subsiste et porte les traces d’une porte cintrée, de colonnes et d’arcs boutants. Les rez-de-chaussées des maisons voisines sont voûtées et abritaient les cuisines, pressoirs et réfectoire du couvent (établi en 1415).
L’église Saint Pierre reste inachevée. Elle est bâtie dans les années 1860 au faubourg de l’Hôpital et demeure sans clocher. Ses proportions étaient adaptées à l’essor démographique de l’époque qui culminait avec 1 925 habitants en 1851 (267 habitants en 1657). L’architecture de l’église est d’inspiration gothique. A remarquer : la statue de Saint Pierre sur le tympan sculpté du portail, la rosace au-dessus du porche d’entrée.
A proximité, le presbytère porte une inscription en latin . Celle-ci rend hommage à Pierre Froissard, président du Parlement de Dole et frère des protecteurs de l’hôpital du Saint-Esprit (établissement charitable du 13e siècle)
La Cité se forme à partir d’un château, et s’étage au-dessus de la Brenne
Sellières est établie sur une colline et domine la plaine bressane, à l’ouest de la Comté (240 mètres d’altitude).
Le site est fréquenté depuis l’époque romaine comme l’attestent les pièces qui ont été
découvertes (collection du musée archéologique de Besançon).
A la fin du 12e siècle, la famille de Vienne acquiert ce territoire qui appartenait au prieuré de Mouthier en Bresse.
En 1231, Jean de Chalon l’Antique conquiert à son tour ce domaine et son château. Dès lors, ces deux familles comtoises règnent à Sellières au gré de successions et de rachats. Cette seigneurie compte une douzaine de villages au milieu du 15e siècle. Jusqu’à la Révolution, elle reste sous l’autorité des Chalon Arlay, princes d’Orange, et de leurs descendants.
La comtesse de Lauragais est leur dernière héritière à Sellières et Nozeroy. Le château couronne la Cité aux toitures rouge-brun. Il engendre le bourg-dessus, quartier des gentilshommes, qui se prolonge par le bourg-dessous jusqu’à la rivière.
Un faubourg se développe au-delà du pont, sur l’île puis sur le coteau vers Dole.
Dans l’ensemble, les maisons comportent un étage, des toits pentus parés de petites tuiles plates. Elles ont été reconstruites au 18e siècle, après les incendies et les guerres de la conquête française. La présence d’escaliers souligne le relief en cuvette, de part et d’autre de la Brenne.
Dans le bourg-dessus, les maisons ont cours intérieures, jardins ou potagers mitoyens. Elles sont construites sur cave. Le bourg-dessous est plus dense. Il accueille encore des commerces, témoins de sa vocation marchande.
L’ancienne enceinte est très présente
Rive gauche, une enceinte avec six tours et trois portes protégeait la Cité. Elle fut assaillie par les troupes de Louis XI (1479) et d’Henri IV (1595) puis demantelée sur ordre de Louis XIV (1674). Vers le château, les vestiges de plusieurs tours se dressent dans les bois (propriété privée).
Le fossé existe toujours côté sud. La porte d’Amont, bâtie sur le rocher, subsiste avec une chambre de tir. Remaniée au 18e siècle, elle a été intégrée à l’hôtel de Crécy. Elle s’ouvrait vers Poligny et sur le bourg-dessus.
A proximité, l’hôtel Doroz conserve deux meurtrières côté rivière.
Au bourg-dessous, l’ancien mur se repère partiellement rue des Remparts. La porte d’Aval donnait vers Lons-le-Saunier mais a disparu au 18e siècle. Elle jouxtait les hôtels du Pin et de Poly. La troisième porte dite « de l’Hôpital » fermait l’accès côté rivière (démolie en 1787).
Un blason équivoque
D’après le langage héraldique, les armoiries de Sellières se lisent « D’azur aux trois salières, deux en chef, une en pointe ».
Elles laissent supposer un lien fort entre la Cité et le sel qui fit la renommée de Salins-les-Bains ou de Lons-le-Saunier.
En fait, les chercheurs s’accordent sur une toute autre explication. Le nom de Sellières viendrait du diminutif celte « celler » qui désigne une cachette ou du latin « celerias » qui signifie cellier, cave. La silhouette de la Cité confirme cette interprétation : cachée au fond d’une dépression, invisible depuis la plaine bressane.
Au carrefour des terroirs…
Vers 1960, une nouvelle spécialité est introduite à Sellières. Des pommiers couvrent une douzaine d’hectares près de l’ancienne porte d’Aval. La pomme a désormais sa confrérie et sa fête annuelle, placée sous le signe des produits du terroir (mi octobre). Cette cité de 800 habitants accueille alors plus de 8 000 visiteurs.
Depuis 1995, le vin d’appellation « Château de Sellières » renoue avec la tradition viticole. Récolté sur les coteaux voisins, il est mis en bouteille à l’hôtel de Crécy.